DANTE
FOREVER
|
Dante par Giotto, 1330-1335 |
Alors que nous célébrerons à
la rentrée la mort du catholique Dante Alighieri il y
a 700 ans, La Vie redécouvre son œuvre avec l'écrivain Philippe Sollers, un
amoureux du maître florentin.
Interview Marie Chaudey et Marie-Lucile Kubacki
Le premier est mort en Italie
il y a sept siècles. Le second, né en Russie exactement 500 ans plus tard.
Tout, de l’époque à la langue en passant par la culture, devrait séparer le
catholique Dante Alighieri et l’orthodoxe Fiodor
Dostoïevski. Pourtant, entre tourments et quête de la lumière, leurs écrits
proposent une exploration passionnante de l’âme humaine, une expérience
spirituelle.
Au cœur de l’été, nous avons
voulu replonger dans ces deux monuments universels. Et qui pouvait mieux que
Philippe Sollers, l’amoureux du maître florentin, nous en livrer les
clés ?
Lui qui est une sorte de pape
des lettres françaises, régnant sur Saint-Germain-des-Prés depuis plus d’un
demi-siècle. Obsessionnel et infatigable, il vient de publier coup sur coup Agent
secret (Mercure de France) et Légende (Gallimard),
variations autour de ses passions – la joie, les femmes, la lecture et la
musique.
L’œil toujours aiguisé, le
verbe gourmand, le ton sans concession, l’écrivain nous a reçus dans son étroit
bureau iconique des éditions Gallimard, aux murs colonisés par les livres,
jusqu’au plafond. Désireux de faire partager la conviction que ces œuvres du
passé éclairent comme jamais notre monde contemporain – et ses dérives.
|
Philippe Sollers, photo: Francesca Mantovani/Gallimard |
Dans « Agent secret », vous écrivez : « Dante,
je l’ai lu très jeune et avec une passion qui n’en finit pas, elle reste toujours
là, intacte. » Pouvez-vous revenir sur les origines de ce long
compagnonnage ?
PHILIPPE SOLLERS: La première fois où je suis
allé en Italie, c’est-à-dire à la fin des années 1950, j’ai été foudroyé. À
commencer par Florence, où chaque pan de mur me parlait de cet étrange poète
qui s’appelle Dante. Avant, j’étais passé par Ravenne, où j’avais vu sa tombe.
Je vivais alors une histoire d’amour particulièrement intense, et par
conséquent le foudroiement italien et le coup de foudre personnel se sont
conjugués, puisqu’après je suis allé habiter à Venise. Mais Florence m’a
complètement retourné. Je me rappelle avoir dormi dans la chapelle des Pazzi –
dans le cloître de la basilique Santa Croce, or Santa Croce, c’est Giotto et
Giotto, c’est presque moi, si vous le regardez de profil… Intensité de cette
ville, et de tout ce qui a pu s’y passer.
Ça s’est concrétisé par le premier texte que j’ai écrit, en
1965, intitulé Dante et la traversée de
l’écriture et qui sera reproduit dans la revue Tel Quel.
Treize siècles après Virgile, Dante en a fait son guide ; il m’en a fallu
sept pour faire de Dante le mien.
Puis vous rencontrez Jacqueline Risset,
qui va devenir une des grandes traductrices de la « Divine Comédie »…
Ph.S. Un
personnage étonnant et éblouissant ! Elle a commencé une nouvelle traduction bilingue de Dante (à paraître fin
septembre en Pléiade, ndlr). Celle qui existait en Pléiade était absolument
illisible –je me servais jusque-là de la vieille traduction d’Henri Longnon. J’étais tout à fait passionné par cette nouvelle
restitution en français de Dante. D’autant plus que je pouvais vérifier tous
les jours que personne n’avait entendu parler de Dante en France, quasiment. Et
cela continue encore aujourd’hui, d’après moi… C’est comme si Dante ne parlait
pas à nos contemporains.
Pourtant,
c’est en français que l’on trouve le plus de traductions de Dante. Sans parler
d’un commentaire intégral de la « Divine Comédie », sous
votre plume !
Ph.S. Benoît
Chantre m’a poussé à commenter vers à vers, ce qui je crois est sans
exemple dans la littérature mondiale. Pourquoi est-ce en français qu’on peut le
mieux saisir Dante ? That’s the
question. Pour cela, il faut une oreille poétique précise, ce qui
était le cas de Jacqueline Risset. Madame Danièle
Robert, qui a publié une récente traduction, rend par exemple froidement
le dernier vers du Paradis : « L’amor che move il sole e l’altre stelle » – « L’amour
qui meut le soleil et les autres étoiles » – par « L’amour
qui meut les étoiles ». Ce qui est une façon d’escamoter de façon
ahurissante que le soleil est une étoile comme les autres. C’est une faute
terrible qui me crie dans l’oreille d’amour, laquelle est l’oreille
absolue !
Vous êtes hanté par le vers du dernier chant du Paradis,
« Vierge Marie, fille de ton fils… », pourquoi ?
Ph.S. C’est un
vers absolument essentiel. Ce qui m’a beaucoup étonné dans la période récente,
c’est le pape Benoît XVI, qui a eu l’étrangeté de commencer beaucoup
de ses homélies en citant Dante, notamment le Paradis, et ces vers
en question. Bien sûr, il y a eu une révision du jugement de l’Église et des
procès que l’on pourrait intenter à Dante, lequel s’est tout de même donné le
privilège de mettre dans son livre quelques papes en enfer… C’est pourquoi il
fallait que j’offre mon ouvrage sur la Divine Comédie au pape Jean
Paul II. La photo a fait scandale auprès des esprits soi-disant
libertaires qui me croyaient des leurs.
Parce que vous étiez agenouillé ?
Ph.S. Oui,
c’est cela. D’où la réflexion de l’un d’eux : « Ton père ne
t’a-t-il pas appris qu’il ne fallait s’agenouiller
devant personne ? » Je lui ai répondu : « Mais
c’est le protocole cher ami, on ne touche pas la reine d’Angleterre… » On
ne peut pas parler du pape aux Français, ni de l’Église catholique intrinsèque.
Ils n’y comprennent rien. Ils se sont mis sur la défensive avec la Révolution
française, et la défensive a conduit à la bigoterie du XIXe siècle. Voilà.
Et vous ?
Ph.S. Moi, je
suis catholique, extrêmement fervent ! Au point que dans ma jeunesse, mes
parents envisageaient que j’entre dans les ordres. Mais pas du tout, je suis
pour le désordre maximal… D’où le foudroiement italien. Je trouvais la France
très ennuyeuse, ne répondant pas à mes lectures, à celle de la Bible notamment.
Les catholiques ne lisent pas la Bible, ils ont essayé de se rattraper très
tardivement. C’est un péché ontologique. Il faut avoir une sorte de révélation.
Et tout à coup, Dante apparaît et vous conduit au paradis. J’ai toujours été
ahuri de voir que tout le monde croit que Dante, c’est l’Enfer. Gustave
Doré, les émissions de télévision… Tout le monde ! On m’a dit : « L’Enfer,
c’est quand même plus intéressant que le Paradis.» Mais
allez-y ! L’Enfer est ahurissant de cruauté.
Cette fascination pour l’Enfer vient-elle du XIXe
siècle ?
Ph.S. Le XIXe
siècle s’est intéressé à Dante de façon romantique, comme si Dante était
romantique ! Vous n’avez aucune chance de découvrir Dante si vous êtes
pris dans la tenaille de Victor Hugo, qui déraisonne. C’est délirant, Hugo, il
faut en prendre la mesure. Lisez son poème le Pape ! Il se met
à la place, c’est lui le pape. Les Français délirent beaucoup là-dessus. Ils
délirent sur la transcendance, sur leur religion qu’ils ont oubliée. Ils se
traînent dans des petites histoires, la naissance, la mort…
Pourquoi n’arrive-t-on pas à sortir de cette passion du
XIXe siècle pour l’enfer ?
Ph.S. La
plupart des êtres humains n’ont aucune expérience du bonheur, de la joie, du
mouvement, de la musique, de tout ce qui fait le paradis. En enfer, vous êtes
au cinéma, et vous ressortez avec l’impression d’être gavé d’images.
L’expérience est très pénible, mais vous ne pouvez pas vous en passer !
C’est votre drogue. Vous êtes drogués à l’enfer. Pour s’assouplir, il faut
transiter par un très long purgatoire. Invention majeure, magnifique. Qui a
senti qu’il était commis au purgatoire ? Samuel Beckett. Qui, en revanche,
a essayé, malgré des difficultés énormes, de vivre l’effervescence du langage
du paradis ? C’est Joyce. Voilà un catholique spécial.
C’est le moins que l’on puisse dire. Mais que se
passe-t-il exactement au purgatoire ?
Ph.S. Ce qui se
passe au purgatoire, c’est la rééducation des sens. Une propédeutique. Vous
apprenez à sentir, à voir, à écouter, à regarder mieux. Parfois, vous êtes là
pour longtemps. Un jour, vous avez l’espérance d’aller au paradis, mais cela
prend du temps. Trois ou quatre siècles. Vous êtes là sur une corniche du
purgatoire et ça n’est pas drôle. Mais vous êtes en train de réapprendre à vous
servir de votre corps. Voilà le message fondamental de Dante. C’est un vivant
qui traverse le pays des morts, et qui est lui-même vivant comme s’il était
mort. « Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change / Le Poète
suscite avec un glaive nu / Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu / Que la
mort triomphait dans cette voix étrange ! », écrira
Mallarmé. C’est l’expérience poétique. Comme pour Baudelaire : « Lorsque,
par un décret des puissances suprêmes / Le Poète apparaît en ce monde ennuyé /
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes / Crispe ses poings vers Dieu, qui
la prend en pitié ». Pourquoi la mère du poète est-elle à ce
point épouvantée ? À quoi bon des poètes dans un temps de détresse ?
Ils sont comme des prêtres de Dionysos. Il n’y a pas lieu d’en souhaiter
l’existence. Le poète n’épouvante plus personne ! Ou alors est-ce que
c’est parce que c’est là que ça se passe…chez la mère ? (Il cite à
nouveau Dante : « Vierge Marie, fille de ton fils »)
Cette histoire de mère, encore…
Ph.S. Mais
parlons-en ! Cette histoire de mère n’est-elle pas en train de prendre
toute la place qui était jadis dévolue au père ? Vous pouvez réciter
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », personne ne comprend
plus ce que vous voulez dire. À moins que vous ayez des lumières quelconques,
et que vous récitiez cela catholiquement, par routine. Qu’est-ce que cette
histoire du Saint-Esprit ? Et de ces trois personnes qui n’en font
qu’une ? À égalité ! On s’est égorgé pour ces choses-là. Des
batailles, des guerres de religion. Tout cela a complètement disparu, c’est
ravagé. Dante resurgit, car c’est une mémoire très tenace… Aux XIXe-XX siècles,
la maternalisation a pris une tout autre figure, qui
se voit maintenant réglée par la technique, laquelle s’occupe désormais de la
reproduction des corps.
Cela vous préoccupe beaucoup !
Ph.S. Je crois
être le seul écrivain à s’occuper autant des conséquences de la
marchandisation des corps. « Il faut avoir une sorte de révélation. Et
tout à coup, Dante apparaît et vous conduit au paradis. J’ai toujours été ahuri
de voir que tout le monde croit que Dante, c’est l’Enfer. »
Un combat perdu ?
Ph.S. Bien
entendu. De loin. Il règne là-dessus un tel obscurantisme militant,
post-religieux, malgré Freud. Pauvre Freud, il a fait ce qu’il a pu !
Souveraineté de la technique. Pour cela, il faut lire l’auteur réputé maudit,
Martin Heidegger, qui est le seul à s’en être soucié. L’expérience de Dante est
une expérience corporelle, et c’est ça qu’elle a d’éternel. C’est très
important. À fabriquer des corps humains, on va fabriquer quelque chose qui
n’aura plus accès à ses propres sensations, quitte à être remplacés par des
robots un jour ou l’autre. L’apprentissage de la sensation est une éducation
que l’on reçoit ou que l’on se donne. C’est la nature au sens le plus profond,
pas l’écologie.
Dante emploie le mot « transhumaner » . Y a-t-il là un antidote à ce transhumanisme qui veut substituer la technique au corps ?
Ph.S. Il n’y a
pas d’antidote pour ce poison. La lecture de Dante peut aider, mais ce n’est
pas un flacon. Il faut s’engager dans l’expérience qu’il raconte au XIIIe
siècle, à 35 ans. Il faut ressentir, du moins, une urgence telle que toutes
affaires cessantes, vous plongiez dans la lecture ! Les poèmes ! Je
recommande à tous mes interlocuteurs d’apprendre et de se réciter
intérieurement des poèmes par cœur. Baudelaire : « Sois sage,
ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il
descend ; le voici. » Voyez comme c’est beau ! La
mémoire elle-même est touchée par l’invasion technique. Ma femme (Julia
Kristeva, ndlr.), qui est psychanalyste, comme vous savez, me dit un
jour, il y a deux ou trois ans : « C’est curieux, il y a un
nouveau symptôme que je vois apparaître de plus en plus, mes patients ne
parviennent pas à se rappeler le paragraphe qu’ils viennent de lire. » Ce
n’est pas anguille sous roche, c’est baleine sous gravillon ! C’est
énorme ! Que ça devienne une plainte… C’est pourquoi, il faut apprendre
par cœur. Le passé devient de plus en plus intéressant, puisque tout le monde
cherche à l’effacer. Il fait peur. Dante fait peur. La mémoire est touchée. Et
c’est ce que peut souhaiter de mieux une tyrannie éventuelle : l’amnésie.
Il est plus commode de gouverner des amnésiques. Et n’avez-vous pas
l’impression que tout le monde est en train de le devenir plus ou moins, dans
sa vie privée et publique ? Nous allons avoir affaire à des
abstentionnistes militants, titubants. Tout cela prévient de quelque chose dont
personne n’ose tirer des conclusions. Les chroniqueurs sont débordés. Ils sont
fascinés par l’élection présidentielle prochaine, où Macron sera réélu sans
problème, contrairement à ce que tout le monde imagine. Madame Le Pen est
angoissée, ça s’entend dans sa voix ! C’est fini. Mais le battage va
continuer. Il faut faire monter l’angoisse, la peur… et l’amnésie.
Benoît XV a eu ce sentiment d’urgence, à la veille de la
Première Guerre mondiale, en appelant à lire Dante. Et aussi Benoît XVI, que
vous avez qualifié de « pape dantesque », lors d’une
conférence aux Bernardins…
Ph.S. Oui, car
il a commencé à émettre des messages en citant Dante. Le pape maudit, celui que
l’on a appelé « Panzerkardinal », est selon
moi un très grand pape, parce qu’il se tient à la théologie la plus stricte. La
théologie, c’est merveilleux, c’est une contrée qu’on n’en finit pas
d’arpenter. C’est beaucoup plus moderne et littéraire que la philosophie. Et
Dante le prouve. Avec la théologie, je vous fais des choses sublimes, alors que
les philosophes sont dans les choux. Ils sont charmants, mais ils ne font plus
que de la morale appliquée. Avec la morale, vous envahissez les plateaux TV,
comme mon ami BHL, qui fait la morale du matin au soir, et qui prend des
risques, mais calculés. On est dans la confusion générale. Benoît XVI n’a pas
été populaire, mais strict. Et Onfray qui défend
maintenant le judéo-christianisme… Nietzsche m’a téléphoné en me disant : « Onfray devient bizarre. » (Il rit.)
Et ce n’est pas pour vous déplaire ?
Ph.S. Non.
Le pape François, aussi, exhorte à lire Dante. Que dit le
pape Sollers ?
Ph.S. J’ai
horreur des « il faut » ! Si on me dit « il faut », je
n’écoute pas.
Alors comment le dire ?
Ph.S. Avec de
l’ironie, peut-être, qui n’est plus comprise : « Ah bon, tu
n’as pas encore lu Dante ? Ça te manque, chérie. » (Il rit.)
Puisque nous commémorons aussi cette année le
bicentenaire de la naissance de Dostoïevski, que vous évoque son rapprochement
avec Dante ?
Ph.S. Il
faudrait passer par un long développement sur l’Église catholique comparée à
l’Église orthodoxe, et les raisons théologiques qui ont fait sombrer le pauvre
Dostoïevski. Cela s’est traduit par les Démons, les Possédés… Julia
Kristeva a publié un livre sur lui, c’est elle qu’il faudrait interroger à ce
sujet.
Avec Julia Kristeva, vous vous êtes partagé le terrain,
vous Dante, elle Dostoïevski ?
Ph.S. Vous
voyez qu’il y a une parité confondante !
Cette exploration de la criminalité chez Dostoïevski,
n’est-elle pas une plongée dans le combat spirituel ?
Ph.S. Il a
appelé cela les Démons. Il faut prendre au sérieux ce qu’il
écrit. Freud, par exemple, ne l’a pas compris. Il ne se rend pas compte de ce
qu’étaient les crises d’épilepsie de Dostoïevski : il faut lire son Journal,
ses Carnets, et considérer que sa femme le retrouvait absolument sanglant
dans les escaliers, tous les jours. Elle était très dévouée. C’était un possédé
du « haut mal ». Pourquoi l’a-t-on appelé ainsi ? Parce que tout
à coup, quelque chose qui n’est pas tout à fait le même corps tombe et se
blesse ! Dante ne parle pas du mal qu’il ressent physiquement. Au
contraire, alors que son voyage est très pénible – heureusement que Virgile lui
explique comment poser le pied – il est très sportif et ne se plaint jamais. Il
endure. C’est le héros d’endurance, comme le dit Athéna d’Ulysse.
Dante et Dostoïevski ont tous deux été condamnés, exil
pour le premier, bagne pour le second : de quelle manière cela forge-t-il
leur rapport à la culpabilité ?
Ph.S. La
Maison des morts, l’expérience du bagne de Dostoïevski, n’a rien à voir
avec l’exil de Dante. Dante a trouvé des protections, très aristocratiques.
Alors que Dostoïevski a frôlé l’exécution. Mais ce qui m’intéresse chez lui,
c’est une formidable culpabilité, que vous n’avez absolument pas chez Dante.
Dante trouve que tout le monde est coupable, sauf lui. Il nomme les damnés. Et
il est très bien avec les corps glorieux du paradis ! Si vous croyez à la
résurrection, vous connaissez les qualités des corps glorieux. D’abord, la
gloire – vous ressuscitez, vous êtes le ou la même. Ensuite, l’impassibilité,
la clarté, l’agilité et la subtilité. La subtilité signifie que vous pouvez
passer à travers n’importe quoi sans obstacle. Voilà une image des corps du
paradis. C’est pour cela que ça ne plaît pas ou que ça n’attire pas. C’est trop
léger, trop subtil, trop intelligent !
Ce sont aussi les qualités de l’écrivain, non ?
Ph.S. Il me
semble. S’il est lourd, c’est fichu. Regardez les livres qui sont dans ce
bureau. Il y a tous ceux qui me sont essentiels : Dante, Proust, Joyce,
Shakespeare, Baudelaire, Rimbaud. J’ai des atouts, ma bibliothèque est bien
faite, je sais parfaitement ce qui tient vraiment le coup…
Philippe Sollers
Propos recueillis par Marie Chaudey et Marie-Lucile Kubacki
La Vie du 29 juillet 2021
|