Avertissement
Ce
volume est la suite logique de La Guerre
du Goût (1994), d’Éloge de l’infini (2001), et de Discours Parfait (2010).
Jamais trois sans quatre.
Une
fugue, je n’apprends rien au lecteur, est une composition musicale qui donne
l’impression d’une fuite et d’une poursuite par l’entrée successive des voix et
la reprise d’un même thème, et qui comprend différentes parties :
l’exposition, le développement, la strette. La strette, comme on sait, est la
partie d’une fugue précédant la conclusion, où les entrées du thème se
multiplient et se chevauchent. Les thèmes sont ici multiples, mais, en réalité,
il n’y en a qu’un : la formulation comme passion dominante.
Le
mot « fugue » a aussi un autre sens, toujours musical : les
enfants rebelles font souvent des fugues dans la nature. Il ne leur arrive pas
forcément malheur. Il est vrai qu’ils ne deviennent pas universitaires ou membres
des institutions académiques. Leur tempérament est foncièrement anarchiste.
Leurs choix sont variés, mais tendent tous à la liberté.
En
1985, paraissait un curieux roman, Portrait
du Joueur, dont voici le début :
« Eh
bien, croyez-moi, je cours encore… Un vrai cauchemar éveillé… Avec, à mes
trousses, la secte des bonnets rouges… Ou verts… Ou marron… Ou caca d’oie… Ou
violets… Ou gris… Comme vous voudrez… Le Tibet de base… Singes, hyènes, lamas,
perroquets, cobras… Muets à mimiques, tordus, érectiles… Hypervenimeux… Poulpeux… Un paquet de sorciers et sorcières, un
train d’ondes et de vibrations…
(…)
L’anti-littérature
au complet !… »
L’anti-littérature,
sans doute, mais aussi, de plus en plus, l’absence totale de pensée. A travers
mille difficultés et ennuis, j’ai fait ce que j’ai pu, lecteur. Cependant, je
crois à ton avenir d’éclaircie, et j’espère que tu cours encore.
Philippe Sollers
Paris, mai 2012