Julia Kristeva
Post-scriptum du « cas Kristeva »
par Koprinka Tchervenkova
Avant d’en arriver au post-scriptum, je dois tout d’abord entrer
dans le vif du sujet. Le vendredi 30 mars, j’ai été invitée par la radio
nationale à commenter la publication du dossier secret de Julia Kristeva. Voilà
en résumé ce que j’ai déclaré à l’antenne :
- premièrement, ce cas est une
farce et il constitue le énième échec de la Commission dite des dossiers, mais
surtout, de la loi médiocre qu’elle applique ;
- ce qui a été publié ne prouve
qu'une chose et c'est la stratégie personnelle de Kristeva visant à épargner
aux membres de sa famille restés en Bulgarie les ennuis qui les menaçaient. Car
si elle avait été qualifiée d’« émigrée définitive », d’ennemie du
peuple, et j’en passe, les complications pour ses proches auraient été
inévitables. Au nom de sa famille, elle a essayé d’entretenir, avec les
autorités bulgares, des relations correctes que l’on pourrait qualifier de tout
sauf de collaboration d’agent ;
- tout cela crève les yeux,
même au lecteur non prévenu. Mais visiblement pas aux membres de la commission.
Les conversations mondaines et les comptes rendus de la presse française que
Kristeva « file » aux services secrets bulgares sont qualifiés par
les membres de la commission de « renseignements d’agent ».
- et tout cela est arrivé car
un certain flic du Deliorman, Evtim Kostadinov, et sa société affiliée sont devenus
arrogants au point de vouloir frimer en Europe car la Bulgarie ne leur livre
plus un terrain qui soit à la mesure de leurs ambitions ;
- au final, j’ai exprimé mon
espoir que le scandale suscité par la publication du dossier secret de Julia
Kristeva débouche un jour sur quelque chose de positif : que cette loi
soit enfin déchirée et jetée dans la poubelle la plus proche. Et que l’on pense
(si jamais il y a encore quelqu’un qui pense dans ce pays) à fonder un Institut
de la Mémoire où travailleraient des gens sérieux et non des clones d’Evtim Kostadinov et des
actuels membres de la commission.
Telles furent, en somme, les grandes lignes de mon
intervention à la radio. Venons-en à présent au post-scriptum.
La publication de ces dossiers, en plus d’avoir profondément
satisfait l’esprit provincial de la « cabale » locale en lui
fournissant un terrain pour ses exercices amateurs sur la biographie de
Kristeva, a eu une retombée extrêmement importante : elle a dévoilé les
mécanismes, les principes – ou plutôt l’absence de principes – de
travail de la commission. Elle a démasqué le volontarisme des jugements et la
perte de toute sensibilité à l’endroit de chaque cas individuel. Elle a montré
la façon dont quelques personnes choisies au hasard décident qui devrait être
exposé au grand jour et qui non. Et cela nous incite à nous demander combien de
décisions aussi irresponsables et dangereuses ont été prises, jetant l’opprobre
sur la vie de nombreuses personnes.
C’est pourquoi je vais le répéter encore une fois :
cette loi est à mettre à la poubelle comme la commission tout entière.
Koprinka Tchervenkova
Kultura, n°13 du
6 avril 2018
Koprinka Tchervenkova est rédactrice en chef de
l’hebdomadaire bulgare Kultura.
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