Alliance

«Le 7/9»

France Inter, 7 heures,  Dimanche

  Julia Kristeva et Philippe Sollers sur France Inter, dimanche matin. Ils viennent de publier Du mariage considéré comme un des beaux-arts (Fayard, 2015), référence, sans doute - n'oublions pas que nous sommes dans le salon d'un couple extrêmement cultivé - à l'essai noir de Thomas de Quincey, De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts. Tout un programme. Kristeva et Sollers sont un peu nos Beauvoir et Sartre contemporains. L'Ecureuil a remplacé le Castor, les Samouraïs, les Mandarins. Il a raison, Sollers, lorsqu'il dit que le mot « couple » est un mot de journaliste. Un couple, qu'est-ce ça veut dire, au fond ? Rien. Tout ça, c'est de l'ordre de la publicité. Et elle n'a pas tort, Kristeva, passionnée à l'infini, lorsqu'elle déclare que l'homme et la femme sont des étrangers l'un à l'autre. Ah, cette question de « l'étrangeté » !, c'est qu'il faut avoir les mots pour le dire. Un couple ne tient qu'à peu de chose. Seule la « conversation en permanence, cette sorte de musique », le sauve. L'amour ? Sollers se livre : « En fait, tout passe par un coup de foudre qui dure, il faut qu'il y ait un engagement commun pour des intérêts qu'on partage complètement. On peut rebondir sur la littérature, sur plein de choses. »

  Bientôt quarante-huit ans de mariage, ce n'est pas rien. Sollers : « Être sous le regard d'une psychanalyste aussi considérable, croyez-moi, tout cela suppose que j'aie un tempérament de résistant notoire. » Chaque matin? Un étonnement. Chaque matin ? Se réinventer, et c'est « ce réajustement qui fait notre intérêt (...). Certains couples durent par la routine, Sollers et moi durons par la réinvention », théorise Kristeva. Eh oui, nous sommes tous des étrangers. Des étrangers à nous-mêmes. Il faut faire avec ça. Alors, aimons-nous les uns les autres, soyons solaires !

Anthony Palou

LE FIGARO, mardi 9 juin 2015