SCOOP
Macron lacanien
Un garçon de 13 ans, né dans une famille provinciale française sans
religion, décide brusquement de se faire baptiser catholique. C’est un brillant
élève d’un lycée privé de jésuites, appelé Providence.
Sa professeure de français, une blonde avisée, lui fait faire du théâtre. Elle
a 24 ans de plus que lui, il a 16 ans, ils tombent amoureux l’un de l’autre,
elle quitte son mari et ses trois enfants, il revient plus tard et l’épouse. De
là, après un stage dans la banque et un poste de ministre de l’Économie, il
fonde un mouvement politique, et se fait élire Président de la République.
Son sacre est un triomphe. Sur fond de l’Hymne à la joie de Beethoven, il émerge des souterrains du Louvre
et parle au pied de la Pyramide. Un ancien élève des jésuites est ainsi (providence !)
promu au sommet de la religion républicaine. Les forces spectaculaires de
l’esprit ont réussi ce coup d’état
technique étourdissant. Dieu veille à tout, et vive le pape argentin jésuite,
que les jésuites français avaient (c’est un comble !) oublié de prévenir.
Les rares garçons, qui ont eu la chance d’être désirés et aimés par des
femmes plus âgées qu’eux, sont très performants. Ils sont rapides, agiles,
déterminés, très confiants en eux-mêmes, un nimbe incestueux les protège. Ils
peuvent rassembler les individus les plus différents, rien ne les arrête, ils
planent. Ils sont descendus chez les Mères, ont reçu leur bénédiction, sont
remontés à la surface, avec une puissance de séduction globale. Ils sont très
en avance sur les hétéros abusés et les gays illusionnés. C’est ainsi qu’on
éduquait, autrefois, les rois de France. Le jeune monarque républicain renoue
pour l’avenir avec le passé. Les garçons seront initiés à la vraie philosophie
dans le boudoir, et les femmes divorcées, déjà mères, obtiendront enfin le
mariage idéal pour toutes.
C’est une révolution. Les femmes entre 40 et 50 ans tiennent la corde,
elles n’ont qu’à choisir leur adolescent mâle doué, et j’en connais un, auquel
personne n’a jamais fait attention sur ce
point précis. Pendant que des arriérés (notamment des psychanalystes), s’effrayaient
du risque populiste fasciste, il se taisait, et pour cause. On le lui a
injustement reproché. Mais qu’importe ? Ad Majorem Dei Gloriam ! Providence ! Vive les corps
informés !
Philippe Sollers
Venise, dimanche, 28 mai 2017, 19h16