Mon adrénaline
me suffit
Voici : Vous
avez dialogué avec les plus grands intellectuels du XXe siècle, Voici, ça doit vous changer !
Philippe
Sollers : Il faut s'adapter ! On est dans le
spectacle généralisé, il suffit de savoir ce qu'on dit, à qui on le dit, au
moment où on le dit. La personne qui est là, c'est vous, et je vous remercie.
Fumer avec
un porte-cigarette et arborer la coupe de cheveux de Jeanne d'Arc, c'est stylé,
non ?
Allez-y, détaillez-moi, dépecez-moi ! (Rires)
Non, c'est parce que je n'aime pas sentir le filtre sur les lèvres. J'ai bien
d'autres manies, vous savez...
En 1999,
vous avez écrit : « La France est très moisie, elle mérite Sarkozy. » Comment
qualifieriez-vous l'ambiance d'aujourd'hui?
Elle méritait la vulgarité et la bêtise de
l'ancien président. Le FN est, lui, aussi inculte que ridicule. S'il était
passé, cela aurait prouvé à quel point l'abrutissement était devenu général.
Vous avez un
point commun avec Emmanuel Macron : les femmes
mûres...
Attention, Mme Macron n'est pas un canon de beauté ! Moi, j'ai connu ça à 22 ans avec une très belle
femme de 45 ans. A l'époque, c'était extrêmement tabou, c'était aussi refoulé
que l'homosexualité.
En tant
qu'éditeur, vous dites que deux pages d'un manuscrit suffisent pour être fixé.
C'est comme ça que vous avez raté le premier roman d'Amélie Nothomb?
Mais non, c'est l'histoire qu'elle propage !
Je lui ai demandé dix fois par voie de presse de montrer la lettre où je
refusais son manuscrit ! Elle a son talent, son public, ouais... bon... Elle
est surtout charmante, elle boit beaucoup de champagne.
Vous, pour
éviter d'être mobilisé en Algérie en 1962, vous avez simulez la schizophrénie :
trois mois d'HP...
Oui, j'ai abusé le psy qui me demandait de
dessiner un homme et une femme. J'ai fait des sexes très apparents et pas de
bras : « Terrain schizoïde aigu » ! Je dois la vie à Malraux qui m'a libéré. Je
ne m'alimentais plus, j'avais une lame de rasoir dans mon pyjama. Je serais
allé au bout. Je peux me suicider, hein, je n'en fais pas toute une histoire.
En 1973, le
même Malraux avait salué la sortie de votre livre, H, un ouvrage écrit sous
haschich. Le savait-il ?
Je ne sais pas, mais lui était rarement dans
un état normal. Malgré le titre explicite, aucun journaliste ne m'a posé de
question à part un Allemand, à qui j'ai expliqué que j'ai longtemps pratiqué le
merveilleux haschich noir afghan.
Vous parlez
moins des livres écrits sous coke ou speed, pourquoi ?
Le cannabis est plus établi. J'ai arrêté, je
n'ai plus besoin que de mon adrénaline, la vraie. Mais j'ai été le premier à
avoir expérimenté la drogue des tueurs de l'Etat islamique : le captagon. C'est une amphétamine extrêmement puissante qui
m'avait été prescrite – interdite aujourd'hui. A mon avis, les tueurs du
Bataclan en avaient pris : vous êtes le roi du monde, c'est comme la cocaïne en
plus violent. Démarrage foudroyant et descente insupportable.
Vous êtes
libertin et catholique. Quarante ans de mariage, ça s'entretient en restant
coquin ou en passant au « compagnonnage », comme vous dites?
La fidélité sexuelle est une absurdité, on
est hyper réactionnaire sur cette question. Les femmes sont pour moi des
camarades de combat. Il y a une fidélité intellectuelle profonde. Ma femme,
Julia Kristeva, et moi avons écrit Du
mariage considéré comme l'un des Beaux-Arts, qui analyse notre relation
depuis notre mariage en 1967.
Ce mariage
n'a pas interrompu votre relation avec une écrivaine belge. Comment faire
accepter cette polygamie ?
Ça consiste à savoir se taire. Il ne faut
RIEN se dire ! Pour cela, il faut un emploi du temps de militaire, c'est
capital. La clandestinité est un art.
Vous avez un
fils autiste de 41ans...
Il n'est pas autiste, un journaliste a écrit
qu'il était sourd-muet, pas du tout. Il a eu des ennuis neurologiques et les
surmonte avec un courage considérable.
La dernière
fois que je vous ai vu, vous tendiez la main comme pour un baisemain. Vous ne
le faites plus ?
Non ! Vous confondez sans doute avec le pape
! (Rires)
Propos
recueillis par Magali Aubert
Voici n°1540 du 12 au 18 mai 2017
|