Philippe Sollers

PARADIS

Sollers Paradis

voix fleur lumière écho des lumières cascade jetée dans le noir chanvre écorcé filet dès le début c'est perdu plus bas je serrais ses mains fermées de sommeil et le courant s'engorgea redevint starter le fleuve la cité des saules soie d'argent sortie du papier jute lin roseau riz plume coton dans l'écume 325 lumen de lumine en 900 remplacement des monnaies 1294 extension persane après c'est tout droit jusqu'à nos deltas ma fantaisie pour l'instant est de tout arrêter de passer les lignes à la nage brise matin feu lacs miroirs brouillant les feuillages calme d'eau marée on ne sait jamais l'aborder pourtant j'ai commencé je commence je prends la sphère commencée j'en viens j'y revais j'y vais commencement commencé tendu affalé sur elle et tenant ses poings dans mes mains elle dormait sec comme un caillou débranché piqué dans son rêve et moi pensant xanadu voûte caverne mer sans soleil vagin sans retour et jamais atteint jardins ruisseaux sinueux arbres d'encens à clairières quel ravin pour s'y détendre au milieu de la nuit couverte dancing rocks and mazy motion voilà la fontaine limite génitale de l'homme flos florum dôme ensoleillé près des caves de glace comment se nourrir de rosée lactée il est rare de saisir ainsi le saisissement dans l'insaisissable on dirait qu'un muscle s'avertit de laisser filer traînée brune gazeuse fissurée dorée allons allons puisque je vous dis que ça veut pas s'inscrire ils ont cru un moment l'isoler sous forme de poches halo bleuté d'atmosphère énergie éponge de l'anti-cancer yeux gris-bleu matière des matières impossible donc d'arriver comme une fleur et de dire j'y fus j'y étais j'y est je m'y fus j'y serai j'irai bien avant abraham lui-même raconté coupé décompté or c'est pas pour rien cependant que j'ai eu ce rêve en collier touches dentées piochées en faisceau de pinces me sautant au cou pour percer fouiller dégrafer une lutte à mort je vous dis pour me l'enlever la mâchoire c'est sanglant partout ça coule partout c'est drôlement gardé la contrée quant aux autres je les vois brûler non non je ne les vois pas je les pense non je ne les pense pas ça se passe de moi contre moi poussière légère cendreuse légère poussière impalpable détour de poussière et toujours encore et toujours tenus avec ce rictus ils se dressent flammes poussières et flammes poussières faut-il manger ce temps qui s'ébrèche qui s'ampute à brèche faut-il le longer le crever s'y plonger ou s'en détourner en réalité aristote dit que la tragédie remonte aux dithyrambes et la comédie aux chants phalliques mais phallus on l'a dit qu'en 1615 peu employé avant le 19e marrant ça je savais pas tu comprends je ne peux pas considérer comme libre un être n'ayant pas le désir de trancher en lui les liens du langage
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Sollers au Paradis (extrait) réalisé par Jean-Paul Fargier, 1983

 

 

Philippe Sollers - Paradis

 

 

soleil voix lumière écho des lumières soleil cœur lumière rouleau des lumières moi dessous dessous maintenant toujours plus dessous par-dessous toujours plus dérobé plus caché de plus en plus replié discret sans cesse en train d’écouter de s’en aller de couler de tourner monter s’imprimer voler soleil cœur  point cœur point de cœur passant par le cœur  il va falloir rester réveillé maintenant absolument réveillé volonté rentrée répétée le temps de quitter ce cœur  simplement le temps qu’il se mette enfin comme il voudra quand il voudra de la dure ou douce façon qu’il voudra bien peu de choses en vérité n’est-ce pas poussière de poussière bien peu très très peu comme on exagère comme on a tendance à grossir tout ça moi-moi-moi en vérité presque rien côtoiement d’illusion couverture du cœur d’illusion aujourd’hui j’écris aujourd’hui et aujourd’hui j’écris le cœur d’aujourd’hui et hier j’écrivais aujourd’hui et demain j’écrirai aujourd'hui c'est vraiment aujourd'hui et rien qu'aujourd'hui on devrait l'écrire aujournuit différente manière d'être à jour en suivant ses nuits dans la nuit salle de séjour noire bleue blanche j'attends le vide à sa tranche qu'il décide ou non de bouger de claquer si je reste comme ça réveillé le coup va venir c'est fini le coup va revenir cette fois vraiment c'est fini un deux trois pas tout à fait trois et de nouveau un deux et puis trois on est au cœur du cœur maintenant dans le cœur du cœur battant se taisant c'est lui qui creuse c'est lui qui poursuit c'est lui qui sait ce qu'il faut savoir pour continuer dans la nuit on n'ira jamais assez vite pour coïncider avec lui pour rejoindre son instinct fibre sa folie un muscle dites-vous seulement un muscle au fond d'après vous soleil cœur voix cœur germe en lui de lui tout en lui voilà le vent s'est levé de nouveau maintenant et je suis là de nouveau comme écrivant le temps de nouveau comme si le temps pouvait n'être rien d'autre que des lignes recoupant des lignes à la ligne là comme au bout du monde ne tenant plus que par un bout de bord à ce monde droites diagonales angles cadrans demi-cercles rayons revenant au centre cours des astres reflétés comme ça par le centre danse en cours avec moi reflet du danseur dans la nuit moi spectre et moi poison d'ombre moi squelette abstrait mangé par son ombre pas tout à fait cependant pas encore tout à fait déclic sursaut nerfs juste assez pour tracer conduit ce qui suit voilà on y va le concert reprend sa cadence joie joie voilà c'est reparti ça se suit

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Philippe Sollers, Paradis, Seuil, Points n°P879

Paradis 2, Gallimard, Folio n°2759

 

Sollers au Paradis (extrait) réalisé par Jean-Paul Fargier, 1983

 

 

 

 

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