Philippe Sollers

INTERVENTION

 

Un couple royal

 

  un couple royal

 

 

  Au moment où le mot « république » est mis à toutes les sauces de la confusion générale, observez attentivement ce couple étonnant qui pose sur le perron de l’Elysée, à côté du roi et de la reine d’Espagne. À côté d’eux, un petit homme tassé, président de la République française, et une femme ravissante, toujours élégante, que le président regarde avec un œil éperdu, plein d’une mémoire profonde.

  Elle, c’est Ségolène Royal, qui, comme son nom l’indique, représente sur le perron de l’Élysée, regardée par le père de ses quatre enfants, une royauté indiscutable. Résumons : comme l’aura dit le subtil Sollers, dans Littérature et politique (Flammarion, 2014), Ségolène Royal a tenté l’impossible en 2007 : être présidente de la République, dans un système hérité de la monarchie, qui interdit aux femmes cette fonction.

  Faites un calcul : si Ségolène Royal avait été élue, comme le souhaitait Sollers en 2007, le peuple français aurait évité dix ans de Sarkozy et de Hollande. Le peuple en question ne serait pas obligé de subir tous les jours la propagande effrayée à l’idée que Marine Le Pen puisse devenir présidente, malgré son père fou, qui souhaite ouvertement sa défaite. Dix ans de perdus, donc, dans une agglomération de préjugés virulents fascistes, droites et socialistes confondus. Si vous avez vu récemment, Ségolène Royal parler au Muséum d'Histoire naturelle, au milieu d'animaux empaillés, ours blancs et éléphants confondus, s’occupant de façon charmante de la transition énergétique, et de la réunion sur le climat déjà pourrie d’avance, vous aurez vu l’essentiel : une femme parmi des animaux pétrifiés,  dans la dévastation générale du mâle. Ségolène est une fleur du mâle décomposé. Vous avez suivi les événements : sa demande navrée que Hollande, le père de ses quatre enfants, quitte le domicile conjugal,  le coup de poignard de tout le parti socialiste contre elle, l’extravagant Strauss-Kahn se jetant sur une femme de chambre à New York, les aventures pénibles des femmes de Sarkozy, sans parler de la vulgarité de Valérie Trierweiler, remplacée, en scooter par la fade Julie Gayet.

  Voilà l’histoire réelle de la France. Vive Royal ! Vive l’élégance tenue !

 

 

 

Philippe Sollers

Venise, dimanche, 7 juin 2015, 19h32

 

 

Pour plus d’informations sur tous ces complots historiques de l’ombre, lisez Julia Kristeva et Philippe Sollers, Du mariage considéré comme un des beaux-arts, Fayard, 2015

 

Du mariage considéré comme un des beaux-arts

 

 

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