Un couple royal
Au moment où le mot « république »
est mis à toutes les sauces de la confusion générale, observez attentivement ce
couple étonnant qui pose sur le perron de l’Elysée, à côté du roi et de la reine
d’Espagne. À côté d’eux, un petit homme tassé, président de la République
française, et une femme ravissante, toujours élégante, que le président regarde
avec un œil éperdu, plein d’une mémoire profonde.
Elle, c’est Ségolène Royal, qui, comme
son nom l’indique, représente sur le perron de l’Élysée, regardée par le père
de ses quatre enfants, une royauté indiscutable. Résumons : comme l’aura
dit le subtil Sollers, dans Littérature
et politique (Flammarion, 2014), Ségolène Royal a tenté l’impossible en
2007 : être présidente de la République, dans un système hérité de la
monarchie, qui interdit aux femmes cette fonction.
Faites un calcul : si Ségolène
Royal avait été élue, comme le souhaitait Sollers en 2007, le peuple français
aurait évité dix ans de Sarkozy et de Hollande. Le peuple en question ne serait
pas obligé de subir tous les jours la propagande effrayée à l’idée que Marine
Le Pen puisse devenir présidente, malgré son père fou, qui souhaite ouvertement
sa défaite. Dix ans de perdus, donc, dans une agglomération de préjugés
virulents fascistes, droites et socialistes confondus. Si vous avez vu
récemment, Ségolène Royal parler au Muséum d'Histoire naturelle, au milieu
d'animaux empaillés, ours blancs et éléphants confondus, s’occupant de façon
charmante de la transition énergétique, et de la réunion sur le climat déjà
pourrie d’avance, vous aurez vu l’essentiel : une femme parmi des animaux
pétrifiés, dans la dévastation
générale du mâle. Ségolène est une fleur du mâle décomposé. Vous avez suivi les
événements : sa demande navrée que Hollande, le père de ses quatre enfants,
quitte le domicile conjugal, le coup de poignard de tout le parti
socialiste contre elle, l’extravagant Strauss-Kahn se jetant sur une femme de chambre
à New York, les aventures pénibles des femmes de Sarkozy, sans parler de la
vulgarité de Valérie Trierweiler, remplacée, en scooter
par la fade Julie Gayet.
Voilà l’histoire réelle de la France.
Vive Royal ! Vive l’élégance tenue !
Philippe
Sollers
Venise,
dimanche, 7 juin 2015, 19h32
Pour plus
d’informations sur tous ces complots historiques de l’ombre, lisez Julia
Kristeva et Philippe Sollers, Du mariage
considéré comme un des beaux-arts, Fayard, 2015