Les Lettres de Sollers à Dominique Rolin Par Vincent Roy
L'amour aura donc été la grande affaire de Philippe Sollers, ou plutôt la seule. Les lettres si riches qu’il adresse à Dominique Rolin, sa « Grande Petite Jolie Belle Beauté » entre 1981 et 2008, période de création intense pour les deux écrivains, en sont la preuve formelle. L’amour, l’écriture, l’écriture, l’amour, c’est « l’axiome », la formule, le contrat, autrement dit le pacte qu’ils ont scellé ; fidélité à la vie, fidélité à la page. La fête intime est permanente puisqu’elle s’écrit. Voilà le secret de ces deux-là. Ils se prennent par la pensée et ne se quittent plus. Ce qu’il faut, et Sollers le répète, c’est « continuer », tenir ferme dans l’encre. Fidélité à l’axiome : « Il faut continuer coûte que coûte, chanter la splendeur du passé, donc du présent vertical éternel. »
Le 17 avril 2002, l’auteur de L’Étoile des amants, écrit à celui de Lettre à Lise : « On rassemble nos forces ». Puis, cinq jours plus tard : « Je t’envoie de l’air libre. » C’est celui qu’ils respirent, ces amants singuliers. Pourquoi? Parce qu’ils rusent : pour être cachés, ils vivent heureux. Courage sur le motif ! Et silence absolu pour la société. Secret. « On est des cas », lance Sollers. Des cas, oui. Le romancier affirme que c’est en pensant à ce qu’il vit avec «son amour» que Nietzsche a écrit: «Nous avons trouvé l’issue à travers des milliers d’années de labyrinthe.» Le 15 avril 1992, il adresse ces mots à « Shamouth » — les amoureux ont leur langue codée: «Chaque fois que tu me dis que tu vas bien, je saute en l’air de joie. Je suis animé par la joie de ton bien. Voilà l’essentiel. Donc : L’AMOUR, point final qui n’en finit pas.» Sollers n’est pas un nihiliste, vous en aurez la preuve en lisant sa correspondance amoureuse, puisqu’il pousse au bien.
Vincent Roy
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