Philippe Sollers

 

 

Philippe Sollers

Graal

 

Gallimard, parution : 3 mars 2022


"L’éternité est sûrement retrouvée, puisque, comme toujours, la mer est mêlée au soleil. Le monde n’a pas disparu, mais on dirait qu’il a été retourné pour reprendre son cours céleste. Tout est maintenant immédiat, le temps ne coule plus, et le plus stupéfiant est que personne ne semble s’en rendre compte. Plus de sept milliards d’humains genrés poursuivent leur existence somnambulique. Rien à voir avec un jugement dernier, la notion de jugement a été effacée en route. Tout est détruit, mais rien ne l’est."
Ph. S.


 

 

 

 

 

 

 

PRESSE

 

 

 

 

Graal

Entretien avec Philippe Sollers

 

 

Jean-Noël Mouret : — Le « Graal » du titre est tout autre que celui de la Table Ronde, mais tout aussi « unique et apparemment introuvable »…

Philippe Sollers : — Ce qui a lieu grâce à la crise profonde que traverse l’humanité, c’est faire disparaître le vieux Graal, considéré comme objet définitivement introuvable. Ce qui veut dire qu’il y a urgence à comprendre qu’il ne peut être qu’un état intérieur, ce que je m’attache à démontrer.

 

– Vous convoquez Rimbaud, Baudelaire, Athanase Kircher, Manet, Picasso et bien d’autres, qui ont en commun d’avoir tous, d’une manière ou d’une autre, « rêvé de royaumes »…

Nous savons, grâce à Platon, que, très bizarrement, l’Atlantide, continent disparu et très civilisé, était une fédération de royaumes. Ce qui a certainement fini, étant donnée l’harmonie qui régnait dans cette grande île, par déplaire aux dieux cosmiques, d’où l’engloutissement fatal. Par Platon, qui en a transmis le souvenir, nous pouvons donc penser que nous avons là tous les ingrédients pour imaginer le destin d’une superbe civilisation engloutie, ce qui est probablement en train d’arriver à la nôtre.

 

– Ce royaume entrevu, que vous baptisez ici « Atlantide », semble en même temps être accessible, tangible même, grâce aux rituels érotiques pratiqués par les rares initiées…

Supposons que je sois un Atlante, transmis par code génétique depuis des millénaires. Là, je vais retrouver, en effet, en tant qu’adolescent mâle, toute une civilisation matriarcale, qui a poussé l’incestuosité jusque dans ses plus intimes retranchements. Cela me parle beaucoup, et souvent, dans la mesure où je crois avoir écrit, ne serait-ce qu’avec « Les Folies françaises », mais un peu dans tous mes livres, des scènes qui se rapprochent le plus possible de ce qu’on peut appeler l’inceste positif, qui peut être ressenti par des garçons, en l’occurrence atlantes, initiés qu’ils sont par leurs tantes, c’est-à-dire les sœurs de leur mère. Chose qui m’est peut-être arrivée.

 

– L’erreur commune serait-elle d’aller chercher très loin ce « Graal », ce Paradis qui se trouve en réalité à l’intérieur de nous, mais la plupart l’ignorent…

Exactement, puisque le Temps retrouvé, découvert par Proust, se trouve dans cet état de triomphe intérieur où l’on a retrouvé l’éternité, comme l’a dit Rimbaud. Plus Graal que Rimbaud, je ne vois pas.

« Elle est retrouvée. Quoi ? – L’éternité. C’est la mer mêlée au soleil. »

Ces vers sont ceux que je me dis tous les matins dans l’autobus qui m’entraîne dans une civilisation en train de disparaître.

 

Philippe Sollers

Propos recueillis par Jean-Noël Mouret

Bulletin Gallimard n° 541, mars-avril 2022

 

Philippe Sollers, GRAAL, roman, à paraître en mars 2022 aux Éditions Gallimard.

 

https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Graal

 

 

 

LETTRE D'ANTOINE GALLIMARD À PHILIPPE SOLLERS À PROPOS DE SON PROCHAIN ROMAN, GRAAL, À PARAÎTRE AUX ÉDITIONS GALLIMARD EN MARS 2022

 

 

 

 

  

29 octobre 2021

Mon cher Philippe,

C'est toujours avec un grand bonheur que je te lis, cher Philippe, et celui-ci "Graal" particulièrement. Ta lecture très personnelle du mythe de Graal nous fait oublier les Chevaliers de la Table Ronde pour découvrir la figure de Jésus et de Jean avec un habit de l'Atlante, ce migrant clandestin d'une île atlantique perdue. Dégager la parole de Jésus pour dégager son enseignement de la mièvrerie universelle du christianisme - Vive la belle liberté du "Graal intérieur" que ne contraint aucune parole bâillonnée en laissant place à la séduction et au plaisir charnel. Bienvenue à tous tes amis : Platon, Baudelaire, Sade, Laclos, le Christ, Borgès... au son de l'orgue joué par Jean-Sébastien Bach. Tu retournes les obsessions de l'époque comme le plongeur retourne le corps de la pieuvre, qui ne peut plus cracher son encre, qui la rend invisible.

Je suis heureux, cher Philippe, d'inscrire ton Graal, au programme de mars. Espérons que les candidats à la présidence de la République s'en inspireront!

Je t'embrasse avec mon affection fidèle —

Antoine

 

 

 

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