Lire Philippe Sollers, Le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy
Vous avez là, dans ce livre, l'esprit et la lettre des quinze dernières années de cette histoire si française qu'est le rap- port des écrivains à la politique (Mauriac, cité en exergue : « je prendrai la politique, je la baptiserai littérature et elle le deviendra aussitôt ».)
Vous avez là un Sollers au meilleur de lui-même, puissant et drôle, jubilatoire et grave, plus offensif que jamais, grand lecteur et grand vivant, renonçant d'autant moins à lire et à vivre qu'il sait qu'il y a là deux arts en perdition et qui, au train où va le désastre, ne se pratiqueront bientôt qu'en secret (les enfants de Duns Scot et de Lautréamont, les tenants de l'infracassable noyau du sujet lettré, structuré comme un langage, on aimerait dire verbé, ne sont-ils pas des sortes de marranes?).
Ce livre est à lire sans délai.
Parce qu'il porte l'écho de la dévastation en marche.
Et parce qu'il y est prouvé qu'il y a, dans les décombres, une autre manière d'exister.
Ni colère ni nostalgie – le soulèvement par le style.
Bernard-Henri Lévy, Le Point du
4 Décembre 2014
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